Samedi 11 juillet 2015. Le Tour de France approche du Béarn. J’anticipe et rentre au pays quelques jours avant l’étape tant attendue de La Pierre-Saint-Martin. C’est l’occasion rêvée de réaliser le 5ème opus de ma série « l’enfer basque ».
Un petit coin de France résiste encore et trop souvent à l’anticyclone qui sévit sur tout le pays. Sur la terre ou dans les cieux, le Pays Basque soigne sa différence ! Après la canicule subie lors de mes dernières sorties, la vadrouille du jour sera placée sous le sceau de la grisaille.
Je démarre de Saint-Jean-Pied-de-Port et prends la direction de l’Espagne. Les ventas d’Arnéguy annoncent la proximité de la frontière franco-espagnole qui se franchit en même temps que l’Aïri.
L’échauffement est terminé, le col de Roncevaux est désormais à escalader ! Le puerto de Ibañeta, son nom espagnol, est un col long, 18 kilomètres, et doux, seulement 4,5 % de moyenne de pente.
C’est le terrain de jeu idéal pour monter progressivement en température et retrouver en douceur son coup de pédale montagnard, sauf évidemment si l’on tracte une remorque encombrante ! Tel était le cas d’un cyclo parisien parti il y a 5 jours d’Ile de France pour rejoindre le Portugal. Le voici à mi-chemin traînant son lourd barda avec le sourire s’il vous plaît. Je l’accompagne dans les derniers kilomètres du col avant de lui souhaiter bon vent au sommet où nos chemins se séparent.
Lui poursuit sa progression logique vers le sud, moi je prolonge la grimpette avec l’Ortzanzurieta dans le viseur. Ce supplément d’ascension est de toute autre facture avec une route étroite et abîmée dotée d’une pente nettement plus coriace. J’avance à l’aveugle et sans aucune perspective, une épaisse brume ayant investi la montagne. Pas de visibilité, pas de panorama mais pas de gamberge non plus !
Après avoir croisé un troupeau de chevaux puis des pèlerins en marche vers Saint-Jacques-de-Compostelle, je me démène sur une ultime portion raide pour gagner la cime de la montagne à 1 570 mètres d’altitude, terminus de la route.
Vent, froid et humidité, l’hostile cocktail atmosphérique m’invite à quitter les lieux rapidement. De retour au puerto de Ibañeta, je prends à mon tour la direction de Pampelune où les fêtes de San Fermín battent leur plein.
Les voitures immatriculées en France défilent, les kilomètres dans la campagne navarraise aussi et ce, malgré 2 légers obstacles que sont respectivement les altos Mezquiriz et Erro.
Avant même de pénétrer dans le bourg de Zubiri, je m’échappe sur la NA-138 et amorce ainsi mon retour en France. La route ne va dès lors cesser de s’élever jusqu’au collado de Urquiaga, alternant coups de cul et faux-plats jusqu’au lac d’Eugi avant d’offrir une pente plus régulière et digeste le long du río Arga au cœur de la splendide forêt de Quinto Real.
La frontière suit rapidement, toujours en altitude, et laisse découvrir un superbe panorama sur la verte vallée des Aldudes.
Cette vallée, je ne la connais pour ainsi dire pas. Sa découverte sera autant exhaustive que sportive. Elle recèle en effet d’ascensions méconnues et pourtant terriblement exigeantes. Le Lindus ouvre le bal. La traversée d’Urepel nécessite l’utilisation d’un GPS afin de s’orienter dans ce dédale de routes étroites et sans indication. Je suis donc à la lettre l’itinéraire proposé par le site altimetrias.net qui propose la version le plus sévère du col. Après un départ plutôt clément, on entre dans le vif du sujet avec 3 kilomètres consécutifs à plus de 12,5 % de moyenne. C’est étroit, sauvage et incroyablement raide, c’est du made in Pays Basque !
Le col intermédiaire d’Hauzay sonne le glas des pentes assassines et laisse place à un final nettement plus abordable.
Une ultime rampe et on gagne une petite plateforme libératrice, l’ascension s’y achevant mais pas la route puisque cette dernière fait la jonction avec le puerto de Ibañeta.
Pour ma part, je rebrousse chemin jusqu’au col d’Hauzay avant de filer sur Banca. Cette montagne est un labyrinthe géant ! Sur quelques portions de la descente, l’étroite chaussée est fortement dégradée et réclame une vigilance accrue. Retour éphémère au fond de la vallée des Aldudes, le col d’Elhorrieta s’offre à moi dès la sortie du bourg de Banca. La première moitié de la montée est perverse avec une incessante alternance de murs et de passages doux qui vous scie littéralement les pattes.
La suite s’avère plus paisible excepté un infect dernier tronçon que je n’attendais plus vraiment et dont je me serais bien passé ! Au sommet, l’atmosphère est délicieuse avec de larges estives où cohabitent harmonieusement pottoks et bovins. Je savoure mais n’y campe pas pour autant, c’est que j’ai une dernière bosse à escalader !
Après une belle et rapide descente, je retrouve la vallée des Aldudes au plus près de Saint-Étienne-de-Baïgorry. Cela tombe bien, j’ai prévu d’attaquer l’ascension du Munhoa depuis le cœur du village.
Le profil du col ressemble à s’y méprendre à celui du Lindus escaladé plus tôt.
Un départ hésitant suivi d’une partie centrale qui voit la pente s’affoler jusqu’au col intermédiaire d’Aharza auquel succède une zone de récupération bienvenue avant d’aborder le final sans difficulté notoire hormis peut-être le vent, voilà pour le programme détaillé.
La route, dont le point culminant se situe à une centaine de mètres en contrebas de la cime du Munhoa, vous gratifiera alors d’un incroyable panorama sur le pays de Cize. De ce point de vue là, le Lindus ne fait pas le poids !
Je bascule dans la vallée d’Arnéguy puis me rentre tranquillement sur Saint-Jean-Pied-de-Port avec le sentiment du devoir accompli. Je ponctue ma sortie en m’évadant dans la vieille rue pavée de la Citadelle qui fait toujours son petit effet. Vive le Pays Basque !

La Porte Saint-Jacques, classée au Patrimoine Mondial de l’Humanité par l’UNESCO, se trouve à l’autre bout de la rue de la Citadelle